Le palmarès 2020 des 30 livres du Point
Redécouvrir ce chef-d’œuvre presque quadragénaire, construit d’une main sûre et d’une plume d’artiste, fut l’un des rares bienfaits de ce confinement.
Redécouvrir ce chef-d’œuvre presque quadragénaire, construit d’une main sûre et d’une plume d’artiste, fut l’un des rares bienfaits de ce confinement.
Il brosse un tableau fidèle et exhaustif d’une période chaotique, aussi bien sur le plan historique que psychologique. Son récit court jusqu’en 1974. Il est addictif, prend au coeur et aux tripes. Au fil de 1420 pages, c’est le puissant souffle épique qui porte et transporte, mais aussi le trésors de tendresse et d’amour.
Certains parlent d’un Guerre et Paix italien. D’autres comparent le travail de Corti à L’Archipel du Goulag. Oui, il y a du Soljenitsyne dans sa volonté de raconter l’irracontable, d’écrire le mal, et le souffle de Tolstoï dans l’art de mêler ses personnages à la grande histoire. L’enfer blanc de Russie, le Goulag, la bataille du Mont-Cassin et celles d’Afrique, la chute du fascisme… L’histoire italienne existe à travers des destins particuliers, celui d’Ambrogio, de Stefano, Michele, Manno… Et chez chacun de ces garçons, il y a un peu d’Eugenio Corti.
A près de quatre‑vingts ans, l’écrivain est heureux du succès de ses livres. Mais pas pour lui‑même: il ne se prend pas pour une vedette. “Etre du côté de la Vérité, voilà ce qui compte”, répète-t‑il. Le tout premier exemplaire du Cheval rouge, c’est à Jean-Paul Il qu’il l’a offert, en 1983, alors que le pape était en visite pastorale dans la Brianza. ‑ Toute chose, dit‑il, est au service de Dieu.
Si j’étais un homme et non chargé de famille (Michele, l’écrivain du roman, par décret divin, n’aura pas d’enfants, signalant peut-être par là l’incompatibilité fondamentale entre le sacerdoce artistique et l’éducation d’une progéniture), je demanderais à M. Corti de m’enseigner son art. De me l’enseigner à la façon dont les maîtres artisans transmettaient autrefois leur savoir-faire à leurs apprentis – pour autant que M. Corti accepte de le transmettre à quelqu’un qui n’appartient pas à la même confession que lui, ce dont je doute un peu! – et je tenterais de faire pour la réalité protestante que je connais ce qu’il a fait, avec tant de talent, pour la réalité catholique : dégager la part d’universel qui y réside.