Le cheval rouge au grand galop
Mussolini est au pouvoir, mais la population de la Botte n’est pas unanime à l’applaudir. En 1940, la récente alliance avec le nazis choque, vu que ce sont les ennemis de la Grande Guerre. L’écrivain lombard Eugenio Corti partecipe activement à ce morceau d’historie et à ce trop-plein de doutes. A se demande expresse, il est enrôlé sur le fronte russe, aux côtés des Allemands, pour étudier de près le phénomène communiste.
Dès son retour en Italie et après un trop long détour par le goulag, il entreprend d’écrire des chroniques de guerre, aussi terrifiantes que désespérantes sur le devenir de l’humanité. Sa fresque romanesque et autobiographiques, Le cheval rouge, ne naîtra que par la suite. Eugenio Corti s’attelle è ce pavé lorsqu’il a la soixantaine. Il compile des années de guerre absurde, d’observations féroces sur le totalitarisme, d’expériences inoubliables de solidarité, des rencontres magiques et complices.
Il raconte les amitiés et les amours qui se tissent dans son village de Nomana, épicentre du livre. Il y a Ambrogio, Manno, Stefano, Michele, son clone apprenti écrivain. La déclaration de guerre éparpille cette joyeuse bande sur le fronts russe, africans, grecs. Certains en reviennent affamés, blessés, cassés. D’autres ne reviennent pas. Avec una habilité remarquable, Eugenio Corti zoome sur le petits riens, prend du recul pour observer le grand tout. Il se faufile dans le têtes italiennes, allemandes, soviétiques, dans la nôtre aussi.
Il brosse un tableau fidèle et exhaustif d’une période chaotique, aussi bien sur le plan historique que psychologique. Son récit court jusqu’en 1974. Il est addictif, prend au coeur et aux tripes. Au fil de 1420 pages, c’est le puissant souffle épique qui porte et transporte, mais aussi le trésors de tendresse et d’amour.
Uniforme et mentalité
La manuscrit du Cheval rouge achevé, son auteur peine à trouver un éditeur. Il heurte les préjugés idéologiques par son bon sens terrien, humain et religieux très marqué. Surtout, il ne ménage pas l’Italie dans son fonctionnement passé et présent. Ambrogio, l’un des protagonistes, sur le front russe pendant la retraite de l’hiver 1942-1943, compare la débandade de certaines unités italiennes à l’order et à la discipline des Allemands. Il réfléchit aux origines de tels comportements et redoute qu’ils ne se reproduisent indéfiniment dans la vie civile et politique de son pays.
“Croire que l’uniforme peut faire changer de mentalité est une illusion”, souligne-t-il. La suite des événements lui donnera raison. Eugenio Corti (1921-2014) n’est plus là pour le voir, mais son Cheval rouge galope de succès en succès. Depuis des débuts timides en 1983, il en est à plus de trente rééditions, dont une toute récente en français. Il est devenu une formidable source d’inspiration dans une Europe qui ne connaît pas le guerre depuis un bout de temps, si ce n’est celle contre les épidémies.
(Marie-José Brélaz, 03/04/20, Vigousse)