Un Cheval de bataille contre le totalitarisme

Il cavallo rosso - edizione franceseDe 1940 aux années 1960, des villageois se retrouvent plongés dans le tumulte politique d’une Italie ravagée.

Né en 1921, Eugenio Corti fait partie d’une génération qui a connu la guerre. Affecté sur le front russe pour observer de près le «phénomène communiste », il s’engage, dans un deuxième temps, dans le Corps italien de libération, qui combat les Allemands en Italie, aux côtés de la Ve armée américaine. Si son premier engagement lui inspire une chronique hallucinée, La plupart ne reviendront pas, et le second, Les Derniers Soldats du roi, il choisit de rassembler ces deux expériences dans Le Cheval rouge, et de les transposer sous une forme romanesque.

Après la campagne de Russie, la barbarie nazie, la découverte du goulag, son récit s’élargit à la résistance en Italie du Nord, puis à la vie politique dans la jeune République italienne des années 1950 et 1960. L’idée maîtresse d’Eugenio Corti est simple : suivre l’histoire d’un groupe de jeunes gens, tous partis en 1940 du hameau de Nomana, et qu’il piste vingt années durant.

Quand le livre paraît, en 1983, l’anticonformisme d’Eugenio Corti choque. Son analyse d’inspiration chrétienne est rejetée par les petits maîtres de la critique officielle, mais encensée par des lecteurs. Pourquoi un tel succès? Il suffit de se plonger dans les premières pages du livre pour le comprendre. Le lecteur est happé et entraîné. Comme dans les livres d’Ernest Hemingway, on se dit: voilà un témoin qui a tout vécu de ce qu’il raconte, ne nous ment pas, n’est jamais dogmatique et a su transformer ses douleurs en œuvre d’art. Quand Le Cheval rouge commence, l’unité italienne a tout juste 70 ans. Au sortir de la guerre, Ambrogio, Manno, Michele doivent faire face à une Italie ravagée, et lorsque le « miracle économique » s’ins talle, il va de pair avec une instabilité politique féroce. Le Che val rouge, c’est l’histoire d’une génération qui a connu la guerre et qui ne parvient que difficilement à s’en relever.

(Gérard de Cortanze, 06/03/20, Historia)